Kinshasa : Gloria, sa rechute dans la rue, son retour chez lui

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Ndako Ya BisoJe m’appelle Fanny, j’ai 21 ans, et je reviens d’une année de mission en RDC, dans l’immense capitale de Kinshasa. Au centre Ndako Ya Biso, j’ai rencontré ces enfants appelés « shégués », ces enfants des rues dont plus personne ne veut dans la société et qui grandissent avec leurs propres forces et leurs propres lois. Passer une année à les connaître, à les écouter, à les voir grandir a été passionnant pour moi, et je suis heureuse de pouvoir partager avec vous un peu de ce concret que vous rendez possible.

Je vais vous parler de Gloria, cet enfant qui avait été réinséré il y a quelques mois. Son histoire empreinte d’épreuves montre à quel point le retour d’un enfant est fragile, sa réintégration longue et sa volonté essentielle. Les éducateurs ne pourront jamais forcer un enfant à retourner en famille, ni changer complètement les paramètres familiaux (conditions de vie, chômage, éducation…) dans lesquels il est accueilli. Des imprévus peuvent bouleverser la stabilité de l’enfant, c’est ce qui est arrivé à Gloria.
Ndako Ya BisoQuand je l’ai rencontré, il venait de retourner dans la rue. C’était un enfant joyeux qui m’a impressionné par son ouverture d’esprit, son attention et sa complicité. A ce moment là, je ne connaissais rien de son histoire. Puis il a commencé à me parler de son père « qui ne pouvait pas l’accueillir » et de ses sœurs qui « n’avaient pas de maison ». Sans le lui dire, j’étais traversée par mille questions sur sa « rechute » dans la rue : Pourquoi la réinsertion chez son frère avait-elle été un échec ? Pourquoi n’avait-il pas su aider Gloria à grandir et à se stabiliser ? Cela me faisait mal de le voir se débattre avec sa vie de la rue, alors que je le sentais tant capable d’autre chose !

Arnold, un des éducateurs, m’a expliqué la cause de ce retour à la rue. Le père de Gloria étant en prison, c’est à l’oncle que revenait la responsabilité de l’enfant. Or c’est Trésor, le grand frère, qui avait accueilli Gloria pour lui permettre de retrouver un chemin de vie. Il avait visiblement oublié un détail : on ne passe pas au dessus de la culture, et sûrement pas au dessus de l’autorité de l’oncle. Ce dernier, en colère de ne pas avoir été prévenu, a débarqué un jour chez eux et s’est fâché violemment. Il a battu Trésor et Gloria a fui. Depuis ce jour, il a repris sa vie d’errance sans jamais retourner chez son frère, et il n’a plus parlé de retour en famille.

Je pense que quelque part, il a dû se sentir coupable de ce qui arrivait. Cet épisode a été une blessure de plus, familiale, affective, mais aussi intellectuelle, car il avait en même temps lâché toute scolarité. Pour lui, c’était un peu comme revenir à la case départ. Mais il a continué à venir au centre pour y retrouver des repères, et les éducateurs ont pu le soutenir dans cette épreuve.

Petit à petit, nous avons pu reparler d’un éventuel retour. L’oncle n’avait jamais refusé de l’accueillir chez lui, mais Gloria craignait cette partie de sa famille : « Balingi ngai te » (ils ne m’aiment pas) disait-il, « Noko oyo alingi kobunda makasi » (cet oncle aime trop la bagarre)…
Et les mois ont passé. Gloria continuait à errer, toujours fidèle au centre et surtout à l’alphabétisation, toujours complice et joyeux, mais de plus en plus marqué sur son corps : un coup de rasoir par-ci, une brûlure de cigarette par là… C’était terrible de le voir stagner ainsi ! Mais si l’enfant ne fait pas de choix, qui peut le faire à sa place ? Nous n’avons que des mots pour les influencer, le reste se passe dans leur tête et dans leur cœur, et cela peut prendre du temps.

Je me souviens être revenue sur le sujet plusieurs fois, en lui rappelant qu’il était un enfant en devenir, et que son avenir seul comptait, au-delà des difficultés de famille. Ndako Ya BisoEn effet, s’il avait la force d’y retrouver une stabilité, il pourrait suivre la formation dont il rêvait depuis longtemps : l’art !

Gloria est un dessinateur dans l’âme, il a un coup de crayon remarquable pour son âge, et… il aurait rêvé de faire les Beaux Arts. Bien sûr, il n’en sera jamais capable à cause de son retard scolaire, mais d’autres formations existent dans l’art, et il y trouverait sans doute sa place !

Arnold a lui aussi pris beaucoup de temps avec lui, et… les démarches ont enfin commencé ! Arnold est parti rencontrer la famille, et l’a raconté à Gloria qui n’en croyait pas ses oreilles ! L’oncle regrettait son geste impulsif, et était d’accord d’installer son neveu chez une tante, dans une maison avoisinant la sienne. Le doute n’avait pourtant pas quitté Gloria qui redoutait son retour. Les semaines ont continué de s’écouler, et le temps passait sans qu’il arrive à se décider.
Mais en septembre, Gloria a donné de grands signes d’impatience. Il n’en pouvait plus de la rue. Je crois qu’il avait enfin dépassé ses appréhensions et ses peurs ; ce qui le rendait fort, c’était de savoir qu’il allait pouvoir faire une formation et devenir un homme par le travail ! Nous attendions ce pas et il lui a fallu du temps, mais voilà : Gloria avait fortifié sa volonté et il se sentait prêt à affronter beaucoup pour se construire une vraie vie ! Nous avons rencontré un artiste et peintre en bâtiment qui a accepté d’accueillir Gloria en formation et de l’encourager à se stabiliser par le travail.

Ndako Ya BisoLe retour de Gloria a été très simple, la famille était heureuse de le retrouver ! (photo ci-contre : de gauche à droite : Arnold, Gloria, ses tantes et ses cousines). Depuis, je suis retournée à plusieurs reprises visiter Gloria sur son lieu de formation. Je le trouvais alors plein de peinture et le visage changé : son éternel sourire était toujours là, mais il avait gagné en paix et en douceur.

Son maître m’a dit sa joie et sa surprise : il a trouvé en Gloria un élève assidu et intéressé qui ne rate aucune journée de travail (ce qui est étonnant pour un enfant venant de la rue, car ils ont tendance à mettre du temps pour reprendre un rythme de travail).

A ce jour, sa situation familiale est toujours délicate, mais il tient bon grâce à sa formation. Il sait que d’ici quelques années, il aura un travail et pourra être autonome. Son témoignage est celui de la persévérance ; il montre qu’un enfant peut mettre du temps à retrouver une vraie stabilité et qu’il ne faut pas baisser les bras. Le centre Ndako Ya Biso est alors une vraie chance, car l’enfant sait qu’il y trouvera toujours accueil, soutien et écoute pour rebondir et un jour, faire le choix de se construire un avenir solide.

Fanny
Janvier 2009

Si vous voulez nous aider, vous pouvez parrainer les enfants des rues de Kinshasa.

Commentaires

1. Le lundi 4 mai 2009, 15:48 par sidi

Bonjour,

Où puis je trouver des infos supplémentaires sur le centre Ndako ya biso ? Existe-t-il des structures similaires à Kinshasa?...
D'avance merci

2. Le mardi 26 mai 2009, 09:27 par Anne

Vous trouverez la description du programme de réinsertion sur le site des actions de SOS Enfants http://www.sosenfants.com/actionrdc-enfants-de-la-rue.php, celle du Centre Ndako Ya Biso sur le site des parrainages http://parrainages.org/kinshasa-maison-enfants-rues.php3

Le Centre Ndako Ya Biso est précisément situé à Kinshasa.
3. Le mardi 26 janvier 2010, 10:33 par heritier bokini

ce que je vais savoir;quelles sont à la base ou la cause principale qui les amène à la rue

4. Le samedi 29 octobre 2011, 19:05 par marion

Fanny dans un sens je t'envie , pouvoir aider des enfants, leur prêter une main forte, une épaule sur laquelle se reposer pendant quelque heures ou quelques jours, je trouve formidable ce que tu fais et leur apporte , ces témoignages me touchent et me vont droit au coeur ( mon rêve plus tard : parrainer un enfants quand je serai adulte quand j'aurai une situation stable)