Haïti s’enfonce dans la misère …

se renseigner sur le parrainage d'un enfant d'Haïti

Le mois dernier, nous vous disions que la situation se dégradait dans tout le pays. Aujourd’hui, nous sommes proches du chaos.

Nous le ressentons fortement au sein de toutes les écoles du groupe scolaire St Alphonse, que ce soit dans le bidonville de Cité Soleil, dans le quartier Fourgy ou à l’école Le Sel où nous scolarisons des enfants placés en domesticité.
Depuis le 7 février, de violentes émeutes secouent à nouveau le pays, suite à une importante augmentation du prix des denrées alimentaires de base. La population réclame à cor et à cri de quoi manger, l’économie est paralysée, les écoles fermées…

L’histoire de Madeleine n’est qu’un exemple parmi tant d’autres, triste reflet de la dramatique réalité dans laquelle évoluent aujourd’hui les familles.
La misère s'intensifie dans le bidonville de Cité Soleil en Haïti
Madeleine est la mère de 3 enfants, elle vit à Cité Soleil. Il y a six mois, son mari a été renversé par un tap-tap sur la route nationale #1 alors qu’il vendait des boissons gazeuses aux passagers. Aujourd’hui, il est invalide, lourdement handicapé, incapable de travailler.
Pour essayer de survivre, Madeleine a mis au point un petit commerce de vente de poisson frit dans son quartier nommé Projet Drouillard. Son chiffre d’affaire est évalué à 830 gourdes, soit à peu près 10 dollars américains. Cela lui laisse un bénéfice journalier de 150 gourdes, moins de 2 dollars. Avec cette maigre somme, elle essaie de prendre soin de la famille. Mais les 150 gourdes suffisent à peine pour assurer le repas du soir…
A la fin de la journée, il ne reste rien pour l’éducation.
Rien pour la santé.
Rien pour les vêtements.

Alors, bien qu’elle soit gratuite, ses enfants ne vont plus à l’école car leurs chaussures sont usées. Et c’est la plus grande tristesse de Madeleine.
Nous en parlions déjà dans notre dernier rapport : ces élèves qui arrêtent de venir à l’école par manque de chaussures…

L'avenir d’Haïti
Le pays vit aujourd’hui une situation d’extrême gravité, conséquence de la mauvaise gouvernance de l’Etat et des turbulences politiques destructrices pour l’économie. Depuis bien des années, les données macroéconomiques avaient déjà donné une idée claire de la dépression économique que subissent les Haïtiens aujourd’hui.
Et pourtant, juste avant le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, l’économie haïtienne connaissait une tendance à l’amélioration et l’agriculture allait de mieux en mieux.
La misère règne dans le bidonville de Cité Soleil en Haïti Neuf ans après le séisme, tous les voyants sont au rouge. L’indicateur le plus révélateur de la présente descente aux enfers du pays est le taux de change. La gourde, la monnaie haïtienne, s’échange actuellement à 83 gourdes pour 1 dollar américain. Début septembre 2018, il ne fallait que 67 gourdes pour 1 dollar américain. Une différence de 16 gourdes en l’espace de 5 mois.

Pourquoi cette décote rapide de la monnaie haïtienne ? L’instabilité politique caractérisée souvent par des actes de vandalisme, d’incendie et de pillage ne cesse de frapper de plein fouet l’économie déjà très faible. Mais les causes fondamentales de la chute de la gourde s’expliquent essentiellement par la faiblesse de la production nationale.
Petit commerce de misère dans le bidonville de Cité Soleil en Haïti Rapidement, précisons que les produits alimentaires (riz, viande, lait, farine...), le pétrole, les matériaux de construction (ciment, acier...), les étoffes, les médicaments sont les principales importations d’Haïti. D’après les données de l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI), le pays a déboursé lors de l’exercice 2014-2015 plus de 210 millions de dollars américains rien que pour le riz. Selon cet organe étatique, le pays accuse un taux d’inflation de 15.5% alors que plus de 70% des Haïtiens sont au chômage et que, parmi les 30% qui travaillent, moins de 10% ont un revenu satisfaisant.

Les manifestations de la population contre l’administration Moïse-Céant ont provoqué une augmentation significative des produits de première nécessité. Pour une famille de 6 personnes, il faut environ 2 petites marmites de riz pour un repas journalier. Unité de mesure haïtienne, la petite marmite coûte actuellement 55 gourdes. En ajoutant les ingrédients essentiels (pois, huile, charbon...), il faut compter au moins 250 gourdes pour un repas simple. Or la majorité des familles haïtiennes ne disposent pas de 250 gourdes par jour. En moyenne, un Haïtien gagne moins de 2 dollars par jour, soit 166 gourdes.
Emeutes de la faim dans le bidonville de Cité Soleil en Haïti Auparavant, les gangs armés s’installaient particulièrement à Cité Soleil. Maintenant, l’insécurité est partout. Les marchés sont régulièrement incendiés dans les principales villes du pays et à chaque fois, ce sont les petits commerçants qui en font les frais. Les cultivateurs se plaignent : pas d’eau pour irriguer, manque de moyens pour exploiter les terres.

Parallèlement au banditisme, la prostitution demeure un autre moyen de survie. De très nombreuses jeunes filles s’y livrent, contre leur gré, dans le seul but d’assurer le pain quotidien. Malgré cela, la plupart des familles veulent garder encore la foi. Elles se sacrifient pour scolariser leurs enfants. Le défi est de taille pour les éducateurs.

Les élèves sont souvent frappés par le découragement. Ils sont démotivés à cause des multiples problèmes de la société. Ils comprennent. Ils se font du souci pour leur avenir.

L’aide que SOS Enfants apporte depuis près de quarante ans à la population de Cité Soleil reste essentielle pour scolariser les enfants et alléger les charges familiales grâce au repas de midi servi chaque jour à tous les élèves.

Fermées depuis le 7 février comme celles de tout le pays, nos écoles viennent de rouvrir leurs portes. Les élèves sont revenus en masse avec la volonté de rattraper ces semaines sans classe.
Enfants de l'école St Alphonse dans le bidonville de Cité Soleil en Haïti

Nous ne pouvons pas baisser les bras face à tant de misère.
Les enfants du groupe scolaire Saint-Alphonse comptent sur nous.